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L’ombre de SCOTUS

Au-delà des effets d’annonce, c’est désormais devant la Cour suprême que se joue une partie essentielle de la stratégie économique américaine.


Rien n’est simple aux Etats-Unis depuis la succession de ruptures, de revirements et d’expérimentations politiques de l’administration Trump. Les investisseurs auront tout intérêt à suivre de près l’évolution de ce feuilleton judiciaire dans les prochains mois, non par goût du drame, mais parce que les décisions de la Cour suprême (SCOTUS) pourraient redessiner en profondeur le paysage économique, commercial et institutionnel américain.

SCOTUS vs Maison-Blanche

Rêvons un instant. L’hypothétique démantèlement du mur tarifaire ouvrirait le champ d’une économie plus fluide, où chaque filière industrielle, du fabricant texan au constructeur de Détroit, retrouverait capacité d’ajustement et visibilité stratégique. Les chaînes d’approvisionnement, affaiblies par des années de repli, regagneraient en efficacité et en résilience. Allégé d’un coût artificiel, le consommateur bénéficierait d’une concurrence plus ouverte, tandis que l’innovation profiterait d’un environnement moins entravé.

Sur la scène internationale, un retour assumé au multilatéralisme signalerait la volonté américaine de restaurer la confiance des investisseurs et de consolider ses alliances économiques. Même le cadre institutionnel gagnerait en lisibilité, avec un Congrès réaffirmant son rôle dans la définition de la politique commerciale. Mais reconnaissons-le: ce scénario «optimiste» relève davantage du souhait que du probable.


Un pouvoir limité

N’en déplaise aux optimistes, la Cour suprême s’impose aujourd’hui comme l’un des pôles institutionnels de l’ère Trump. Sa majorité, façonnée par les nominations du président, a renforcé un exécutif dont le champ d’action s’est élargi, parfois au détriment d’un Congrès affaibli. La jurisprudence récente consacrant une quasi-immunité présidentielle pour les actes officiels a encore recentré le pouvoir sur la Maison-Blanche.

Après avoir validé l’éligibilité de Donald Trump et limité la portée des poursuites engagées contre lui, la Cour doit désormais se prononcer sur plusieurs dossiers déterminants comme les droits de douane, l’indépendance de la Réserve fédérale, ou encore le pouvoir de révocation des hauts fonctionnaires. Autant de sujets susceptibles de reconfigurer durablement l’équilibre institutionnel et l’environnement économique du pays.

Pour autant, SCOTUS n’est pas omnipotente: elle ne légifère pas, n’exécute pas les lois et dépend, pour l’application de ses arrêts, de la coopération du Congrès, de l’exécutif et du soutien de l’opinion publique. Gardienne du pacte constitutionnel, elle demeure un arbitre, non un souverain. Devenue malgré elle un «kingmaker», elle peut ainsi accentuer les fractures du pays sans pour autant pouvoir soutenir indéfiniment l’agenda d’une administration.


Un chaos tarifaire (pour l’instant) profitable

Les Etats-Unis appliquent aujourd’hui les droits de douane les plus élevés depuis un siècle, des taxes qui se répercutent sur les exportateurs étrangers, les entreprises américaines et, in fine, les consommateurs. Les recettes générées sont substantielles, sans avoir pour l’instant ravivé l’inflation ni perturbé les chaînes mondiales de production, mais la dynamique pourrait rapidement devenir moins favorable.

La contre-offensive internationale s’organise déjà: l’Union européenne accélère la conclusion d’accords commerciaux, le Brésil renforce ses liens avec l’Europe et la Chine, l’Inde stabilise sa relation avec Pékin tout en réduisant sa dépendance aux Etats-Unis, et l’Arabie saoudite multiplie ses options stratégiques pour se prémunir d’un éventuel désengagement américain.

Dans ce contexte, un blocage de SCOTUS sur les droits de douane constituerait un revers majeur pour l’administration Trump. L’obligation de rembourser près de 100 milliards de dollars perçus créerait une forte incertitude juridique, tandis que la perte d’environ 200 milliards de recettes annuelles obligerait le Trésor à augmenter ses émissions de dette, exerçant une pression supplémentaire sur les taux américains et affaiblissant la position de négociation de Washington vis-à-vis de ses partenaires clés.

À l’approche des élections de mi-mandat, une telle perte de crédibilité serait politiquement explosive et pourrait conduire les entreprises étrangères à différer leurs investissements industriels et infrastructurels aux Etats-Unis. À l’inverse, si la Cour suprême venait à contrer les velléités de mise sous tutelle de la Fed, l’autorité monétaire en sortirait renforcée, les craintes de manipulation des taux s’estomperaient et la pression pesant sur les consommateurs et importateurs américains diminuerait grâce à des prix à l’import plus compétitifs.


Vers un nouvel équilibre institutionnel

La probabilité d’un arbitrage rapide demeure faible, car SCOTUS avance au rythme de délibérations longues et nuancées. Sur les droits de douane, l’exécutif dispose encore de leviers, mais la ligne se fissure: Donald Trump a déjà annulé plusieurs taxes qu’il avait lui-même imposées sur des produits alimentaires afin d’alléger la pression inflationniste et de réduire le coût de la vie. Cette inflexion, qui concerne des biens que les Etats-Unis importent massivement, envoie un signal d’ouverture à certains partenaires et pourrait soutenir la demande intérieure tout en apaisant la controverse entourant la flambée des prix.



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