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Le “3ème cotisant” de la LPP, cet acteur silencieux qui finance nos retraites
Ni salarié, ni employeur, le “troisième cotisant” n’est autre que le rendement des placements, un acteur discret, mais décisif.
Dans le système de la prévoyance professionnelle suisse, on parle souvent de deux cotisations visibles : celle de l’assuré et celle de l’employeur. Mais un “ troisième cotisant ” moins intuitif, mais tout aussi déterminant : le rendement des placements.
Ce “troisième cotisant” alimente le système à toutes les étapes. Il rémunère l’épargne des actifs, couvre l’intérêt technique des rentes, finance les provisions (longévité, taux de conversion) et absorbe une partie des frais. À long terme, c’est lui qui conditionne le pouvoir d’achat à la retraite.
Pourtant cette mécanique s’essouffle. L’objectif constitutionnel d’un taux de remplacement d’environ 60% (AVS + LPP) devient difficile à atteindre à mesure que le salaire augmente, notamment au-delà de CHF 68'000 par an. La moyenne des taux de conversion observés avoisine les 5%, bien en deçà du minimum légal de 6.8% pour la part obligatoire. Cette réalité ne condamne pas le système ; elle en rappelle la mécanique : sans rendement, le moteur cale.
Sur une carrière complète, l’intérêt crédité peut presque doubler la prestation finale. C’est la différence entre une épargne “qui dort” et un capital “qui travaille”.
Depuis 2004, les caisses de prévoyance suisses ont généré plus de CHF 500 milliards de rendements nets, soit davantage que les cotisations cumulées des employeurs et des employés. À l’échelle individuelle, cela représente environ CHF 100'000 par assuré. Ce n’est pas un bonus conjoncturel ; c’est la preuve statistique que le « troisième cotisant » porte une part essentielle de l’effort collectif.
Mais pour que le rendement joue pleinement son rôle, encore faut-il qu’il repose sur une stratégie d’investissement équilibrée et une gouvernance rigoureuse. Une allocation trop prudente empêche d’atteindre les objectifs, trop agressive, elle compromet la résilience.
Les approches quantitatives modernes permettent de relier explicitement la volatilité d’une stratégie à la probabilité d’insuffisance à cinq ans. Elles montrent aussi qu’un “budget de risque” inutilisé existe trop souvent. Activé avec discipline — moindre biais domestique, obligations calibrées, diversifications vers infrastructures et actifs privés bien encadrés — il permet d’améliorer le rendement espéré sans franchir les seuils d’acceptabilité.
À condition, bien sûr, d’une gouvernance irréprochable : respect du cadre OPP2, responsabilités fiduciaires, transparence des frais, absence de conflits d’intérêts, et suivi actif des mandats.
Pour les assurés, l’enjeu est simple : préserver la valeur de leur capital, accumuler suffisamment et avoir le choix au moment de la retraite. Le « troisième cotisant» répond à ces trois dimensions. Il compense l’inflation, accélère la constitution du capital et, lorsqu’il est partagé via des crédits d’intérêt compétitifs, crée un alignement tangible entre la performance du fonds et l’épargne individuelle.
Son empreinte est visible chaque année dans la “part de l’intérêt” au financement. Certaines années, la part du rendement pèse près d’un tiers des ressources d’une caisse. Les années plus difficiles, sa contribution diminue et la pression revient sur les cotisations et les paramètres. D’où l’importance d’une vision pluriannuelle, capable de lisser les cycles et d’éviter les décisions procycliques.
Le fil conducteur est simple : sans rendement, pas d’équilibre durable ; sans capacité à encaisser des chocs, pas de confiance.
L’enjeu est de faire vivre cette tension fertile. Il s’agit de définir une politique de placement qui respecte l’appétit et la capacité de risque, d’en documenter le processus, d’en tester l’adéquation et de mesurer l’impact sur les promesses (rémunération des avoirs, taux de conversion). Sur le long terme, la clé réside dans un partage de la valeur créée avec équité entre actifs et rentiers.
Le « troisième cotisant» n’est pas un “plus”, mais un pilier essentiel du système LPP. Il est le vecteur qui permet de viser - et de maintenir - des taux de remplacement crédibles, même dans un environnement de taux plus volatils.
Sa qualité dépend avant tout de la gouvernance : une discipline stratégique, une transparence des coûts et une diversification intelligente.
Enfin, c’est aussi un levier de confiance. Lorsque les assurés voient la performance se traduire en rémunération d’épargne, ils comprennent que leur capital travaille réellement pour leur retraite.
En bref, s’il fallait le rebaptiser, on pourrait parler non pas du “troisième cotisant”, mais du“premier” catalyseur de prestations.
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